Antiqua et nova : Note sur le rapport entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine

Dicastère pour la Doctrine de la Foi et Dicastère pour la Culture et l’Éducation, Antiqua et nova : Note sur le rapport entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine, Cité du Vatican, 28 janvier 2025. En ligne sur https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_ddf_doc_20250128_antiqua-et-nova_en.html, consulté le 31/01/2025 à 05:51.

Le document Antiqua et nova marque une étape importante dans la réflexion du Magistère sur les défis posés par l’intelligence artificielle (IA) à l’intelligence humaine et à la dignité de la personne. Fruit du travail conjoint du Dicastère pour la Doctrine de la Foi et du Dicastère pour la Culture et l’Éducation, cette note, approuvée par le pape François, s’inscrit dans une dynamique d’interpellation éthique face aux mutations technologiques qui touchent l’éducation, la santé, le travail et la vie sociale.

Loin d’être une condamnation précipitée des technologies émergentes, ce texte se veut une prise de recul philosophique et théologique sur les enjeux posés par la montée en puissance de l’IA. Il s’agit de penser la distinction entre intelligence artificielle et intelligence humaine, d’en souligner les défis éthiques, et d’orienter le progrès technologique vers le bien commun.

L’argumentation du document repose sur trois piliers structurants :

  1. Une distinction ontologique entre intelligence artificielle et intelligence humaine
    L’IA, malgré sa capacité à imiter certains aspects de l’intelligence humaine, demeure une construction technique dépourvue de conscience, de volonté et de capacité à discerner le bien du mal. Loin d’être une forme d’intelligence autonome, elle se définit comme un prolongement instrumental de la rationalité humaine, incapable de relations et de transcendance.
  2. Les défis éthiques d’une automatisation croissante
    Le document met en garde contre une instrumentalisation de l’IA susceptible de menacer la liberté humaine. Il soulève des questions cruciales : qui est responsable des décisions prises par des systèmes autonomes ? Comment préserver la dignité humaine dans un monde où l’automatisation pourrait conduire à une forme d’aliénation ? L’IA, en tant qu’outil façonnant l’accès à l’information, pose également la question de la vérité dans un contexte de prolifération des deepfakes et de manipulation des données.
  3. L’appel à une régulation éthique et au service du bien commun
    Antiqua et nova insiste sur la nécessité d’une approche de l’IA orientée par la justice et la charité. Loin d’une vision technophile ou technophobe, le texte plaide pour un encadrement du développement de ces technologies, afin qu’elles servent le bien commun et non des intérêts mercantiles ou idéologiques. L’IA ne doit pas être un outil d’exploitation, mais une aide au service de la dignité de chaque personne.

Le texte s’appuie sur une approche théologique, philosophique et anthropologique. Il mobilise la pensée biblique sur l’intelligence humaine et la sagesse divine, ainsi que l’héritage de la doctrine sociale de l’Église. Il s’inscrit dans la continuité des réflexions déjà menées sur la technologie dans des textes comme Centesimus annus (Jean-Paul II, 1991)​ et Sollicitudo rei socialis (Jean-Paul II, 1987), tout en les actualisant à la lumière des défis posés par l’IA contemporaine.

Loin d’un discours purement spéculatif, Antiqua et nova se positionne comme un cadre de discernement invitant au dialogue avec les experts des sciences humaines, des technologies et du droit. L’enjeu est de fonder une éthique de l’IA qui ne se limite pas à des considérations économiques ou utilitaristes, mais qui prenne en compte la dimension intégrale de la personne humaine.

La publication de ce document a été bien accueillie par les milieux théologiques et éthiques pour sa pertinence et sa profondeur de réflexion. Toutefois, certaines critiques ont émergé :

  • Manque de propositions concrètes : si Antiqua et nova offre un cadre conceptuel clair, il n’apporte pas de directives précises quant à l’application de ses principes, notamment en matière de régulation des IA.
  • Une approche qui reste distante des aspects techniques : bien que soucieuse d’interdisciplinarité, la note ne propose pas d’analyse détaillée des spécificités techniques des modèles d’IA actuels (apprentissage machine, deep learning, etc.), ce qui pourrait limiter son impact auprès des professionnels du domaine.

Antiqua et nova s’affirme comme une contribution importante de l’Église à la réflexion contemporaine sur l’intelligence artificielle. Son titre – qui signifie « Ancien et Nouveau » – évoque une lecture du progrès technologique à la lumière de la sagesse chrétienne, dans une continuité entre tradition et innovation.

Ce document invite à un discernement fondé sur la responsabilité et la dignité humaine, afin que l’IA ne soit pas un facteur de désincarnation des relations humaines, mais un outil mis au service de l’homme. S’il reste à compléter par des recommandations plus opérationnelles, il n’en demeure pas moins un jalon essentiel dans la réflexion éthique et théologique sur notre avenir technologique.

Une lecture précieuse pour les théologiens, les philosophes, les éthiciens et tous ceux qui s’interrogent sur l’impact de l’IA sur notre humanité.

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