Martin Gibert, Faire la morale aux robots : Une introduction à l’éthique des algorithmes, Documents 17, Québec, Atelier 10, mai 2020, 93 p., $12.95 CAD.
Martin Gibert est philosophe. Il mène ses recherches en éthique de l’Intelligence Artificielle (IA) au Centre de Recherche en Éthique (CRÉ) de l’Université de Montréal.
Cet essai introduit à l’éthique des algorithmes en se demandant : « comment programmer les robots en fonction de principes moraux qui puissent satisfaire tout le monde ? » (p. 12) L’auteur propose un cheminement qui débute par le rappel d’éléments de théories morales et de psychologie morale, ainsi que par des fondamentaux sur l’IA. A partir de là, le philosophe repère trois types de robots — le déontologiste, l’utilitariste et le vertueux — et leurs caractéristiques. L’auteur s’autorise alors un détour avec la question du contrôle d’une IA générale, c’est‑à‑dire d’une « superintelligence ». Martin Gibert revient ensuite à une question plus classique de l’algoréthique : le problème des biais qui peuvent être introduits dans la programmation. L’auteur prend ensuite de la hauteur en abordant la métaéthique et notamment deux questions redoutables : Une programmation morale peut‑elle être meilleure qu’une autre ? Est-il possible de construire un bon robot ? Cette question est l’occasion d’effleurer la thèse intéressante de Christine Tappolet : les émotions seraient des perceptions de valeurs. Autant une IA ne fera pas preuve d’acrasie (manque de volonté), autant la perception morale représente un véritable défi dans le domaine ! Le dernier chapitre est le lieu où l’auteur assume un choix : il faut faire des robots vertueux. Il argumente puis se demande « où sont les bons exemples ? » (p. 85) que requiert l’éthique vertueuse. Sa proposition est originale et suggestive. En conclusion Martin Gibert rappelle qu’il ne s’agit évidemment pas que le robot prenne des décisions morales mais que nous les prenions en nous demandant : Que voulons-nous exactement ? « Dans quel monde souhaitons‑nous côtoyer les robots ? » (p. 93)
L’auteur a une belle plume et fait des choix audacieux. Ce livre intrique harmonieusement les fondements de l’éthique à ceux de l’algorithmique. Martin Gibert maîtrise le domaine et montre une belle culture — y compris littéraire — des sujets qu’il aborde. Nous regrettons que l’ouvrage ne propose pas de bibliographie.
Paru le 1er juin 2021 dans la Lettre du CEERE (Centre Européen d’Enseignement et de Recherche en Ethique), n°152.
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