Jay Y. Kim, Le chrétien à l’ère du numérique : Cultiver le fruit de l’Esprit pour une vie de contentement, de résilience et de sagesse, Philippe Malidor & Dan Kimball (trad.), Paris, Excelsis, 2024, 252 p.

Dans un monde marqué par l’accélération technologique et la marchandisation de l’attention, l’ouvrage de Jay Y. Kim, pasteur à WestGate Church (Silicon Valley), vient rappeler la nécessité d’un enracinement spirituel profond et résilient. Auteur de Analog Church et Analog Christian, Kim poursuit ici une même démarche : réconcilier la vie de foi et les défis concrets posés par les environnements numériques.
L’ouvrage est une réflexion pastorale et biblique, articulée autour du fruit de l’Esprit (Galates 5,22), pour répondre aux effets déstructurants des écrans sur l’attention, la présence à soi, la relation à autrui et la vie spirituelle.
Le livre est divisé en trois parties, chacune correspondant à une vertu clef : le contentement, la résilience et la sagesse. Chaque partie décrit les pathologies numériques associées (indignation, comparaison, distraction, impulsivité…) et propose des pratiques de transformation inspirées de la vie spirituelle chrétienne.
Parmi les thèmes majeurs :
- L’attention comme ressource sacrée et spirituelle, malmenée par le scroll infini.
- Le désir d’immédiateté opposé à la patience et à l’ancrage dans le réel.
- La comparaison sociale induite par les réseaux et la perte de l’identité christocentrique.
- La présence incarnée et les pratiques spirituelles lentes (prériode, jeûne, silence, attention à l’autre).
L’auteur s’appuie sur des observations pastorales, des analyses culturelles et une solide connaissance biblique, offrant une méthodologie réflexive, nourrie de témoignages et de figures inspirantes. L’ouvrage s’inscrit dans un courant croissant de théologie pratique critique face au numérique (James K. A. Smith, Andy Crouch…). Il ne se limite pas à une simple opposition technophobe : il propose une conversion de l’usage, par une rééducation spirituelle du regard, de l’attention et du rapport à la vérité.
Il soulève des questions majeures :
- Comment enseigner l’attention comme vertu dans un monde marchand de l’attention ?
- Comment former à une vie spirituelle incarnée, lente, patiente ?
- Comment distinguer prudence technologique et discipline spirituelle ?
L’ouvrage offre une articulation remarquable entre diagnostic culturel, sagesse biblique et vision pastorale. Il propose des chapitres accessibles, agrémentés d’exemples concrets et de récits incarnés. Il met en œuvre une réflexion propice à une éthique chrétienne du numérique et de l’attention (cf. p. 56, la réflexion qui fait penser à un célèbre passage de Saint Augustin : voir Les Confessions 10, 27). Toutefois ce livre est moins opérationnel pour les éducateurs car les propositions restent souvent à l’échelle de la personne. De plus, j’aurais apprécié une approche plus structurée en termes d’outils pour la catéchèse ou la formation scolaire.
L’ouvrage aide à penser une littératie spirituelle de l’attention dans les contextes éducatifs chrétiens : non pas apprendre à maîtriser la technologie, mais à discerner ce qu’elle produit en nous : « Le problème, ce n’est pas la technologie. Le problème, c’est nous. » (p. 19)
Jay Y. Kim signe ici un ouvrage d’une grande actualité, à la fois profond et accessible. Le chrétien à l’ère du numérique constitue une référence utile pour penser les pratiques spirituelles et éducatives à l’ère du scroll, du zapping et de la comparaison sociale. Son apport est précieux pour les pasteurs, catéchètes, éducateurs chrétiens et tous ceux qui cherchent à conjuguer sagesse ancienne et modernité connectée.
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